Il faut arrêter de voir la désindustrialisation comme une "petite variante" de l'évolution économique. Au rythme actuel, ce n'est pas "peut-être" une variable à prendre en compte, mais très rapidement, concentrées en agglomération ou exangues "dans nos campagnes", c'est une succession de friches qui est en devenir.
Il faut arrêter de rêver : on va dans le mur de clôture du cycle, directement, et sans airbag.
La génération des moins de 40/45 ans, vous êtes une génération de "passeurs entre cycles", des mutants ; j'ai lu ça cet après midi, je le repasse en citation pour méditation :
C'est un post d'un dénommé Alexis Monjauze, quelqu'un de la Haute Loire... :
C’est la « crise » entend-on à longueur de journées, de bavardages médiatiques, de ragots de comptoirs, de papotages sexagénaires dans les rayons des supermarchés. La « crise » à toute les sauces : dans l’industrie, la finance, le tourisme, les comptes publics, le personnel politique, le climat, l’énergie, les matières premières, l’eau…
La « crise » dans toutes les bouches : celles de mon facteur, de ma voisine, de ma maman, de Corinne, du président truc, du comité machin… Autant de consensus, c’est forcément suspect. Les grands consensus ont parfois fait de grands malheurs : le consensus d’après-guerre a généré la construction de banlieues inhumaines, le consensus de 68 a généré la gabegie consumériste, le consensus du peuple allemand des années 20 a généré le 3e Reich…
Aujourd’hui, le matraquage assommant sur la « crise » correspond-il à un consensus ? Si oui, quel risque nous fait-il courir ? Que nous empèche-t-il de voir ? Que pourrait-il générer de fâcheux ?
Et si on se trompait de diagnostic (ou de guerre comme disent les anciens) ? Une « crise » c’est une poussée de boutons soudaine, violente : on se soigne et après, tout revient dans l’ordre.
Et si cette fois ça ne pouvait plus rentrer dans l’ordre ? Si c’était la fin d’une période historique ? La fin d’un système et le début d’un autre ?
Et si étrangement les repères d’hier ne revenaient pas ? Et si nous ne savions pas dans quelle ère nous entrions tout en étant certains que nous ne sommes déjà plus dans la précédente ? Et si nous ne pouvions pas encore percevoir l’ordre qui suivra la fin des bourses et de l’hyper-consumérisme ?
« Que faire après l’orgie ? » demandait Jean Baudrillard… Faute de pouvoir répondre, nous nous inventons peut-être quelque chimère, que nous nommons « crise » mais sert en fait à cacher notre ignorance, notre désemparement.
Face à l’ignorance, notre culture préfère se tourner vers celui qui a quelque chose à dire, fût-ce n’importe quoi, plutôt que vers celui qui se tait, regarde et attend…
Ce n’est pas une crise. Mais une mutation.
On ne veut plus de bagnoles signes extérieurs de richesse, de l’alimentation chimique et cancérigène à prix toujours plus bas, d’un l’environnement transformé en dépotoir à merde, d’un avenir piétiné par les besoins des baby-boomers égoïstes, de la culpabilité morbide du Nord qui pompe le Sud, être tributaire d’une carte bleue pour exister, de la télé pour discuter…
C’est à nous maintenant, les moins de 40 ans, de nous saisir du monde, du micro et du pouvoir pour dire ce que nous voulons : des gens qui vivent ensemble et qui se parlent, des cadres pour les parents et grands-parents qui veulent consacrer du temps aux enfants, de l’entraide entre les gens du quartier, du temps pour s’arrêter et regarder, un travail pour s’accomplir et s’affirmer, de l’argent pour vivre et préparer l’avenir, des animaux d’élevage qui vivent décemment et sans souffrance, des fruits sans chimie et des abeilles en nombre pour fertiliser, des industries écologiques, des entreprises partenaires du droit à l’information et à la santé, des pouvoirs pour l’initiative citoyenne et pour les recours collectifs (class action), des référendums réguliers sur les sujets qui engagent le pays / la région ou l’intercommunalité sur plus d’une génération, des séjours à l’étranger obligatoires dans le cursus scolaire ou universitaires, des campagnes de soutien et de désintoxication à la télé, la fin de l’endettement public, la fin du passage à l’heure d’été et du pain blanc pas assez cuit, la lecture des comptes et légendes locales dans les jardins publics en juillet et août, de l’eau baignable dans toutes nos rivières…
Oubliez la crise, acceptez ce « chaos pré-renaissance », devenez les premiers mutants dans l’histoire.
Créons, imaginons, innovons.
Je ne sais pas, et je ne prétends pas savoir ce qui serait adapté à cette nouvelle situation. Comme beaucoup, je sais juste qu'il est temps d'arrêter de chercher une énième mise à jour du modèle actuel en faillite (tout comme le pseudo modèle collectiviste qui n'en était que l'opposé, à l'image du yin et du yang qui n'existent que l'un par l'autre), qui de toutes façon ne sera pas performant tout simplement parce qu'il est arrivé au bout.
Depuis plusieurs années, ça m'amusait d'entendre la litanie des "qu'est-ce que tu proposes ?" dégainés en toute fin d'arguments, qui venaient refermer les débats par automatisme et respect des conventions.
Maintenant, c'est terminé : je retourne la question. Qu'est ce qui peut être imaginé de différent de ce qui manifestement ne marche pas ?
Voila, bonne soirée.
