La réouverture de Brignais - Givors est en ce moment dans beaucoup de discours (la proximité de la campagne électorale et les réflexions sur la mobilité entre Lyon et Saint-Etienne suite à l'abandon de l'A45 ne sont pas étrangers à cette situation). Pourtant, si la ligne ne s'est pas faite, ce n'est pas uniquement par manque de volonté ou parce que son caractère "très lyonnais" la ferait mettre de côté par une Région qui aurait d'autres chats à fouetter dans les territoires moins urbains. Dans la situation actuelle (et projetée à court terme), cette portion ferrée présente un potentiel contraint par son environnement et une complexité technique pour le débouché de Givors.
Sur ce dernier point, le schéma de TransportRail est clair :

Pour aller à Givors ville, il faut cisailler les voies donc envisager un saut-de-mouton (mais à insérer dans l'environnement). Alternatives possibles (mais encore plus coûteuses) : soit passer en voirie comme proposé dans le blog
TransportRail qui a fait des propositions en la matière, soit réaliser des quais
sur la voie de la rive-droite au niveau du commissariat.
Au-delà de cet aspect technique et économique, il y a la question du potentiel. J'aimerais partir de l'observation des pratiques pour voir ce qui peut marcher ou non.
Pour la liaison avec Saint-Etienne :Avant de commencer, la CCVG rassemble les communes de Chaponost, Brignais, Vourles, Montagny et Millery. Une personne du territoire de cette CCVG qui se rendrait à Saint-Etienne pourrait
dans l'absolu trouver un intérêt à emprunter le tram-train avant un TER à Givors ville. Il faudrait donc une correspondance TER/TER. La pratique montre que ce n'est pas fréquent. Lorsque les distances sont courtes, si les personnes ont une voiture (
a fortiori si elles ont fait une partie de leur trajet dans une voiture), elles ont tendance à pousser jusqu’à la gare. Or, deux éléments renforcent ces pratiques : les gares potentielles de la vallée du Garon ne sont pas à proximité immédiate des lieux d'habitat (avec, en plus, du relief) et, par ailleurs, la gare de Givors a une aire de chalandise très large du fait de l'attractivité de l'offre proposée (trains directs vers Part-Dieu, accès possible à Perrache, trains rapides pour Saint-Etienne en provenance de Part-Dieu et Perrache).
Dans ces conditions, il est probable qu'une écrasante majorité des gens préfèrent (comme observé dans les usages actuels) pousser en voiture jusqu'à Givors pour éviter la correspondance.
Pour la liaison avec Lyon :Dans le secteur très proche de Givors, par ex. Grigny, l'offre en gare de Givors-ville est nettement plus attractive. On aurait donc le même phénomène que décrit ci-dessus.
Depuis Brignais et à l'ouest (ex. COPAMO), c'est différent. En 2023, le métro B sera aux Hôpitaux-Sud avec une fréquence forte (3 min en HP ?) et un accès direct à Part-Dieu (en 16 min). Cette offre accessible avec n'importe quel titre TCL risque donc d'avoir un pouvoir d'attraction en direction de Lyon encore plus fort que la gare de Givors ville pour les liaisons TER vers Saint-Etienne. En effet, à cette échéance de fin 2023, depuis Brignais, la liaison en tram-train vers Part-Dieu nécessitera entre 40 et 45 min avec des combinaisons TT+MD+MB ou TT+C3.
Même avec un trajet de 20 min en voiture (en HP), le rabattement vers MB reste plus confortable et plus rapide. Or,
ce seuil des 20 min en voiture est précisément celui cité par la Présidente du SYTRAL pour l'attractivité des rabattements.
En amont de Brignais, sur l'axe de la vallée du Garon, tout dépendrait de la saturation de la voirie. En HP, malgré les ralentissements, la vitesse moyenne de la voiture semble être d'environ 30 km/h (source = Google maps pour une arrivée à Brignais à 8h30 le mardi 03/12/2019). Du coup, l'attractivité des stations de tram-train risque d'être phagocytée par le métro B et la gare de Givors ville, sauf pour des origines/destinations desservies directement par le tram-train ou liaison courte avec MD (comme Vieux-Lyon ou Bellecour et,
a fortiori, à l'ouest de Gorge de Loup).
Pour la desserte de la vallée du Garon depuis l'extérieur :Même si les flux domicile / travail (ou études) sont devenus minoritaires, ils restent les flux "dimensionnants" de par leur caractère répétitif et inscrit dans les heures de pointe. La vallée du Garon a quelques zones d'activité. La
fréquentation en 2017 de la gare de Chaponost pour un jour ouvré moyen est d'environ 300 personnes (source = open data SNCF, base total divisé par 270). Or cette gare a précisément le profil que pourraient avoir les nouvelles gares de la vallée du Garon. Le potentiel pourrait être amélioré avec des aménagements facilitant les accès à pieds et à vélo entre la gare et la ZA mais comme on peut le voir dans toutes les ZA, chaque fois qu'il facile et gratuit de stationner une voiture dans un espace où l'urbanisation est extensive, la part modale TC avoisine zéro (seuls les captifs sont dedans). C'est l'exemple de la gare de Chaponost.
Conclusion partielle :Toute approche reposant sur l'idée que la voie existe et qu’on ferait quelque chose de bien pour pas cher est donc battue en brèche par la complexité technique (donc économique) de l'arrivée à Givors. Par ailleurs, dans un contexte défavorable (concurrence de Givors ville, concurrence du métro B, éloignement des centralités et relief + absence de cheminements, faible part modale des TC pour l'accès à des ZA conçues pour la voiture), le prolongement des trams-trains de Brignais à Givors tel qu'on l'entend généralement semble avoir un potentiel très faible.
Conclusion personnelle :De mon point de vue, soutenir le prolongement de la branche TTOL de Brignais à Givors, c'est un peu signer son arrêt de mort. A la première étude sérieuse d'opportunité, le projet serait enterré ! Or, si on veut vraiment exploiter le potentiel de cette ligne, il faut lui donner un service qui correspond à ce qui intéresse les usagers potentiels :
- soit une connexion directe avec la ligne B + un accès direct (et compétitif) avec la Presqu'île => pour moi, ça se traduirait par le prolongement de MB à l'A450 (tel qu'envisagé dans le PDU et repris par la plupart des candidats) + la pose de voies ferrées le long de l'A450 entre Brignais et la ligne de la rive droite du Rhône + une reprise de la portion Givors - Brignais permettant à la fois la circulation des trams-trains mais aussi des TER plus classiques venant de Saint-Etienne ou Firminy (la rive droite du Rhône étant, dès lors, destinée plutôt aux Givors - Perrache - Vaise qui seraient intégrés tarifaire au réseau TCL) et qui ne desserviraient que quelques arrêts (ex. Brignais, métro B, Oullins, Confluence, Perrache)
- soit un accès direct aux deux par un souterrain prolongeant la ligne de Saint-Paul à Part-dieu en desservant la Presqu'île au passage => le coût de ce scénario n'est pour moi envisageable que si on le rapporte aux 3 branches TTOL concernées et qu'on le voit comme une alternative au métro entre Presqu'île et Part-Dieu
Evidemment, le coût ne serait pas le même... mais les usages seraient là... Quelque part, c'est le même genre de problématique que Sathonay-Rillieux - Trévoux (une voie ferrée disponible mais sans gros investissements, on proposerait des services qui ne correspondraient pas aux usages). 